LA PRESENTATION EN EXPOSITION
La présentation des arbres en exposition s'inspire de la mise en scène réalisée dans le tokonoma, cette alcôve de la taille d'un tatami, consacrée à l'art et à la spiritualité, où les japonais suggèrent la représentation d'un paysage complet, en y exposant un bonsaï -ou un ikebana- associé à un ou deux autres éléments.


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Voici des tokonoma, dans des maisons japonaises

Voici des présentations en tokonoma, réalisées à l'European Bonsai-San show (édition 2013)

       
Deux éléments accompagnent le bonsaï dans le tokonoma, et on les retrouve en exposition : ce sont le shitakusa et le kakemono (ou kakejiku).

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le shitakusa

C'est la plante d'accent ou d'accompagnement.

Non seulement elle crée un point focal dans la présentation et équilibre la composition, mais elle indique la saison (plante fleurie au printemps, fougères ou graminées en automne, par exemple) et/ou le milieu dans lequel vit l'arbre dans la nature : ainsi, on ne présente pas un arbre de plaine avec une petite plante de montagne.
A noter qu'on n'associe jamais un shitakusa en fleurs à un bonsaï fleuri.


Le shitakusa est parfois remplacé par un suiseki (=pierre-paysage façonnée par l'eau et le vent) -que l'on présente sur un support adapté appelé daiza- ou par une figurine, une statuette, en lien avec la scène, appelée tenpai.

Les suiseki symbolisent le plus souvent une montagne et sont à ce titre plutôt réservés aux espèces d'altitude, mais ils peuvent aussi, comme les tenpai, simplement compléter l'arbre par leur forme, leur couleur etc...
  
       
le kakemono (= kakejiku)

C'est une peinture ou calligraphie sur soie ou papier présentée en rouleau.

Son rôle est de compléter la composition, en suggérant le paysage dans lequel vit l'arbre dans la nature ( montagne, bord de l'eau etc), ou en donnant une indication relative à la saison (brume, éclosion des bourgeons, floraison etc).

On expose aussi des calligraphies présentant uniquement des idéogrammes, réservées aux conifères et aux lettrés.

Le kakemono, très fréquent dans le tokonoma traditionnel, est encore assez peu présent dans les expositions occidentales.

          
Mais il ne suffit pas de poser un bonsaï et un shitakusa sur la table et de suspendre un kakemono pour avoir une présentation correcte.
La disposition de chacun de ces 3 éléments obéit en effet à des règles très strictes.
COMMENT PRESENTER BONSAÏ, SHITAKUSA et KAKEMONO ?
1. REMARQUES GENERALES

L'espace de présentation, inspiré du tokonoma, est clairement délimité en largeur et en profondeur (1m 80* x 0m 80-0m 90) et il présente aussi une hauteur virtuelle de 1m 20. L'association du bonsaï, du shitakusa et, éventuellement, du kakemono, permet d'inscrire la composition dans trois plans (premier et deuxième plans, arrière-plan) et oblige l'oeil du spectateur à naviguer de l'un à l'autre, comme devant un paysage naturel, pour en découvrir l'harmonie et la cohérence.

Tout l'espace (largeur, profondeur, hauteur) doit donc être harmonieusement utilisé pour suggérer un paysage et, afin de susciter une émotion visuelle, la composition doit être définie par le dynamisme et l'équilibre.

* à noter que le plus souvent, dans les expositions, la largeur se réduit à 1m 60, parfois à moins encore, ce qui nuit à la présentation...
DYNAMISME
L'arbre n'est jamais centré car, avec deux espaces égaux situés de part et d'autre, on perdrait en dynamisme : il est placé de façon asymétrique, à droite ou à gauche. De plus, il est obligatoirement positionné de manière à laisser de l'espace du côté du mouvement de l'arbre, défini par l'EVIP (espace vide intérieur principal) : autrement dit, l'arbre "regarde" vers le centre de la composition.
EQUILIBRE
La présentation du bonsaï est équilibrée par l'ajout d'un shitakusa (suiseki ou tenpai) soigneusement choisi pour avoir un impact visuel important malgré sa taille (pot de teinte vive ou plante fleurie, par exemple) et dont le positionnement précis sera déterminant pour contrebalancer la masse importante du bonsaï : ni trop près, ni trop loin - et surtout pas sur le même plan que l'arbre.

Le kakemono ou kakejiku, facultatif et qui se justifie avec un bonsaï de peu de volume, est placé exactement au milieu de l'espace de présentation. Il peut être très légèrement recouvert par l'arbre, ce qui l'intègre davantage dans la composition d'ensemble. Il doit rester discret et ne pas focaliser l'attention. D'ailleurs, d'une manière générale, aucun élément de la présentation ne doit attirer le regard au détriment des autres.
Trois présentations qui illustrent parfaitement dynamisme et équilibre

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OCCUPATION DE L'ESPACE VERTICAL
Pour que l'arbre puisse remplir l'espace en hauteur, il est surélevé sur une tablette, ce qui permet aussi de placer le point focal du bonsaï à hauteur des yeux. Plus l'arbre est grand, plus le support est bas, sauf pour les cascades et semi-cascades qui sont nécessairement posées sur des tablettes très hautes.

D'une manière générale, aucun arbre, ni aucun shitakusa (ou suiseki ou figurine) ne reposent à même le sol : outre les tablettes, on peut utiliser des jita (rondelles de tronc d'arbre de moins d' 1 cm d'épaisseur) ou des ne taku (rondelles de tronc d'arbre avec les racines). On trouve même, parfois, des yatsuhashi (3 ou 5 planchettes de mêmes dimensions, accolées l'une à l'autre mais positionnées de façon asymétrique) ou des supports en bambou, ces derniers étant en principe réservés à la saison estivale.

Images non cliquables
                  
Les tablettes doivent avoir une longueur et une largeur égales à la longueur/la largeur du pot plus 2 fois sa hauteur. Cette règle est toutefois à nuancer : elle ne peut pas s'appliquer à un pot très profond, sous peine d'avoir une tablette trop grande et disproportionnée ; en tout cas, il doit rester entre 1/5 et 1/4 d'espace libre de tous les côtés et les bords des pots ne doivent pas toucher la rainure du plateau.
Les tablettes doivent également s'harmoniser avec le bonsaï : à arbre massif, pieds épais et puissants ; à arbre léger et aérien, pieds fins et élégants.

Elles sont rectangulaires, carrées, rondes ou, plus rarement, octogonales : les pots ronds sont posés sur des tablettes rondes, octogonales ou carrées, mais une tablette ronde ne peut accueillir qu'un pot rond, de même qu'une tablette rectangulaire n'accueille qu'un pot de forme allongée, rectangulaire ou ovale.
Les tablettes rondes ou octogonales doivent être positionnées de manière à ce qu'un pied se situe au centre, face au spectateur. Toutefois, avec un arbre particulièrement massif, on peut placer le support avec deux pieds en face avant.
A noter que les tablettes à petits barreaux sont traditionnellement réservés aux feuillus, dont ils rappellent la fine ramification.

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La hauteur de la tablette marque celle du shitakusa, qui ne doit pas la dépasser (sachant qu'en cas de quelques pousses ou fleurs érigées, seul est pris en compte le plus gros volume de la plante).
2. PRESENTATION D'UN GRAND ARBRE (45 cm à 1 m)
= PRESENTATION A 2 ELEMENTS OBLIGATOIRES

Afin d'équilibrer la composition, l'arbre est obligatoirement accompagné d'un shitakusa, qui est positionné un peu en avant (parfois en retrait s'il est trop volumineux), et tous deux sont placés sur un support, sur lequel ils sont centrés.

L'arbre est installé à mi-profondeur de l'espace de présentation, décalé à droite ou à gauche selon le sens de son mouvement, de telle façon que l'ensemble arbre/shitakusa soit centré et que l'arbre soit orienté vers le centre de la composition (croquis 1 et 2).
Une cascade sera installée en peu en retrait de la ligne médiane et dirigée légèrement vers l'avant, en direction du shikatusa (croquis 3).

    



Dans ce type de présentation à un grand arbre, si celui-ci et le shitakusa sont accompagnés d'un kakemono -celui-ci étant placé au centre de l'espace de présentation- les trois éléments doivent pouvoir être reliés entre eux par un triangle dont les côtés ne seront pas symétriques (=triangle scalène et non pas équilatéral).

  
Voici quelques belles compositions à un arbre (Saulieu 2013). Les flèches marquent le mouvement de l'arbre, dirigé vers le shitakusa
3. PRESENTATION D'UN ARBRE MOYEN (25 à 45 cm)
= PRESENTATION A 3 ELEMENTS OBLIGATOIRES

Un arbre de moins de 45 cm n'est pas exposé seul : la présentation doit comprendre un arbre principal, un arbre secondaire, plus petit, et bien sûr un shitakuza (ou suiseki ou tenpai).

Ce type de présentation incluait obligatoirement un arbre d'altitude (résineux : genévrier, pin ...) et un arbre de plaine, l'association des deux et du shitakusa évoquant un paysage complet, de la plaine à la montagne.
Mais, si cette tradition est majoritairement respectée, désormais on peut voir associés deux feuillus, même dans les grandes expositions comme la Koku-fu (cf. ci-dessous, cette belle présentation primée).



Ce qui reste obligatoire, par contre, c'est que non seulement les bonsaï soient d'espèces -et de tailles- différentes, mais qu'ils soient de style différent et qu'ils aient un pot différent par la couleur et la forme.

L'arbre principal sera installé à mi-profondeur de l'espace de présentation, sur une tablette plus haute que celle de l'arbre secondaire, sauf, évidemment, si l'arbre secondaire est une cascade. Celle-ci étant placée en hauteur, le support de l'arbre principal sera donc plus plat. A noter que l'arbre le plus haut est forcément le conifère qui vit en montagne.
Le shitakusa ne sera pas placé à égale distance des deux arbres, mais décentré vers l'un ou l'autre (le plus souvent vers l'arbre principal) ; il sera également positionné légèrement vers l'avant (un suiseki sera, lui, légèrement positionné vers l'arrière).
Si un kakemono est ajouté à la présentation, il ne devra pas être au milieu des 2 autres éléments, mais au centre de la présentation dans son ensemble.

Pour positionner les arbres, on tient compte de leur mouvement : les deux doivent se diriger vers l'intérieur (croquis 4 et 5) , l'arbre principal "regardant" vers le second, qui "regarde" à son tour vers le shitakuza.

    
4. PRESENTATION DE SHOHIN (environ 20 cm)
= PRESENTATION A 7 ELEMENTS OBLIGATOIRES


Outre le shitakusa, il faut 6 arbres d'espèces différentes, en parfaite harmonie, pour réaliser une présentation de shohin (la seule exception à cette règle étant la présentation de 6 azalées).
La composition doit présenter des arbres en fleurs au printemps ou avec des fruits en automne et en hiver, et chaque pot doit être de forme et de couleur différentes.

Cinq arbres sont installés dans une "armoire" ou kazari dana de 80x80x20cm, qui est la représentation symbolique d'un paysage montagneux : le pin -en général un Pinus thunbergii- qui est obligatoirement l'arbre principal est placé, seul, au sommet de l'armoire en tant qu'arbre de montagne ; les arbres de colline et de plaine occupent successivement les deux étages inférieurs.
C'est l'étagère qui détermine le sens de la présentation, soit vers la droite, soit vers la gauche. Les arbres ne peuvent pas y être positionnés n'importe comment : ils doivent avoir une orientation qui conduise le regard de l'observateur de l'un à l'autre.
Les tablettes sous les arbres, dans le kazari dana, ne sont pas obligatoires, mais elles permettent de remplir les espaces de l'étagère et doivent absolument être centrées.

Le sixième shohin est positionné à l'extérieur sur une tablette, au-devant de l'axe et dirigé vers l'armoire. Le shitakusa, placé sur un support plat, est présenté soit vers l'avant, soit vers l'arrière en fonction de sa taille. Sixième arbre et shitakusa peuvent reposer sur un même support.

L'armoire et les deux sujets extérieurs sont centrés dans l'espace de présentation.

     

     


Cette présentation à 6 shohin est tellement difficile à réaliser dans les règles qu'il existe des armoires où on en positionne 4 au lieu de 5 (présentation à 6 éléments = 5 shohin + shitakusa), voire 3 (présentation à 5 éléments = 4 shohin + shitakusa).

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